La vision de l'empereur Constantin

 

 

  • Avant-propos :

Pour mieux comprendre cette légende, il faut lire la « note de précision » en bas du texte.

 

C'était en l'an 312 de notre ère, mais, pour les trois cavaliers, c'était en l'an 1065 de la fondation de Rome.

Ils avaient mis leurs bêtes au trot, et ils avançaient sans hâte : on aurait dit, en cet après-midi de printemps, qu'ils se promenaient à travers la campagne. Le plus grand se trouvait au centre, et on devinait, à la richesse de son casque et de son armure, qu'il était le chef. Il paraissait âgé d'une trentaine d'années. L'un de ses compagnons avait à peu près le même âge, mais l'autre était nettement plus vieux.

•  Arrêtons-nous ici, dit le personnage central. Nos chevaux pourront se désaltérer à ce ruisseau.

Ils mirent pied à terre, et les chevaux baissèrent le col pour boire l'eau fraîche descendue de la colline voisine.

•  Aie confiance, Constantin, dit le plus jeune. Nous finirons bien par remporter la victoire.

•  Les dieux t'entendent, Caïus ! Mais ce sera long et difficile : Maxence dispose de forces considérables…

•  Et nous ? fit le second compagnon. N'avons-nous pas autant d'armes que lui ? Des catapultes, des arbalètes ? Et nos soldats, nos lanciers ne sont-ils pas aussi courageux que ceux de l'adversaire ?

•  Merci aussi à toi, Tullius. Vous êtes tous deux des amis. De vrais amis.

Un silence, puis :

•  Si un empereur ne possédait pas d'amis, que deviendrait-il ?

Caïus et Tullius hochèrent la tête. Ils connaissaient bien les données du problème auquel était confronté leur maître. Certes, l'Empire romain s'étendait sur tout le pourtour de la Méditerranée, mare nostrum , et il reliait le grand océan de l'ouest à une mer fermée de l'est que l'on appelait déjà la mer Noire. Mais il était menacé sur le Rhin et sur le Danube par les Barbares venus du nord. Et surtout cet immense Empire était, depuis le siècle précédent, depuis Dioclétien, divisé en deux, avec deux monarques devenus rivaux : en face de Constantin se dressait Maxence.

•  Les dieux choisiront entre vous, dit Caïus.

•  Quels dieux ? demanda Constantin. Nous en avons tant !

•  Qu'importe ! Il suffit de faire appel aux bons : Jupiter, bien sûr, mais aussi Mars. Et même Mercure.

•  Ou le dieu des chrétiens, suggéra Tullius.

Constantin se tourna vers Tullius et ne répondit pas. Les Chrétiens : ils étaient les tenants de cette religion née trois siècles auparavant en Palestine et dont le promoteur était un rebelle qui avait été crucifié. Depuis, le christianisme avait fait des adeptes, tant dans le peuple que parmi les couches sociales plus élevées, et cela d'un bout à l'autre de l'Empire. On les persécutait, car ils étaient rendus responsables de tous les malheurs qui survenaient : disette, désordres, épidémies, mauvaises récoltes.

Constantin savait qu'il était l'héritier des empereurs persécuteurs et qu'il était logique pour lui de continuer cette politique. Toutefois, il n'oubliait pas davantage que l'un de ses prédécesseurs, Alexandre Sévère, rêvait de concilier tous les cultes : on disait même qu'il avait réuni dans son palais les bustes d'Orphée, d'Abraham et de Jésus.

•  Prie nos dieux ! disait Caïus.

•  Prie celui des chrétiens ! conseillait Tullius.

•  Si au moins j'avais un signe, soupirait Constantin.

Romulus et Remus, eux, ont été aidés. Lorsqu'ils ont cherché à savoir lequel des deux devait donner son nom à la cité nouvelle, ils décidèrent de consulter le vol des oiseaux. Remus se plaça sur l'Aventin, et Romulus sur le Palatin. Remus aperçut six oiseaux, et Romulus douze : les dieux représentant les futures limites de la ville de Rome.

L'après-midi s'avançait, le ciel perdait peu à peu sa couleur jaune et virait déjà au rose, quand tout à coup Tullius frappa sur l'avant-bras de Constantin.

•  Regarde !

Dans ce ciel de printemps venait d'apparaître une croix enflammée, entourée de ces mots on ne pouvait plus clairs : «  In hoc signo vinces  » ( Par ce signe tu vaincras ).

•  C'est incontestable, dit Constantin.

•  Incontestable, ajouta Tullius.

•  Incontestable, reconnut à son tour Caïus.

Cette croix qui lui était apparue, Constantin ordonna de la peindre sur son labarum, son étendard personnel, et d'y ajouter le monogramme chrétien, les lettres grecques «  » et «  P  », les deux premières du mot «  Christ  ». Le labarum devint un drapeau miraculeux, et celui qui le portait fut invulnérable, malgré les flèches qui, dans les combats, étaient décochées contre lui.

 

  • Note de précision

La grande bataille entre l'armée de Constantin et celle de Maxence se déroula sur le Tibre, au pont Milvius, à proximité de Rome. Maxence y trouva la mort, et Constantin, vainqueur, demeura seul empereur.

La religion chrétienne devint bientôt religion officielle. Constantin releva l'Empire de l'anarchie et, quelques années plus tard, il créait, sur les ruines de l'antique Byzance, la magnifique cité qui devait porter son nom : Constantinople.

L'Histoire le considère comme l'un des grands empereurs romains. Son rôle s'est affirmé à partir du moment où il a su voir l'importance prise par le christianisme et s'insérer sagement dans ce courant. Et cela grâce à la vision que rapporte son biographe Eusèbe.

 

Mais où s'est produit cet évènement ?

C'est un mystère, car les thèses divergent. Plusieurs endroits d'Europe se prévalent d'avoir été le cadre de la vision de Constantin. Notamment des villages d'Italie, c'est assez logique, mais aussi de France. Ainsi, La Croix-Valmer dans le Var.

Et aussi Lux, tout près de Chalon-sur-Saône. Il existe dans cette localité, des traces de voie romaine, et on y a découvert des sépulcres et des monnaies romaines. Certes, cela ne prouve pas grand-chose, car on en trouve également dans beaucoup d'autres endroits. Mais un fait est mentionné par les historiens : Constantin, après sa vision, désira se faire instruire dans la religion chrétienne, et pour cela il fait appel à Rhétice, qui était l'évêque d'Augustodunum, aujourd'hui Autun.

Les tenants de cette thèse le font aussi remarquer, Constantin, qui venait souvent en Gaule, passa par Cabillonum, aujourd'hui Chalon, justement en l'an 312. Rien d'étonnant donc à ce qu'il soit passé aussi à Lux.

Lux : le mot, en latin, signifie lumière. N'est-ce-pas là le meilleur support d'une belle légende ?

 

Extrait de Contes et Légendes de Bourgogne , Henri Nicolas.

 

 

 

 

 


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