Le Crâ et peu Rena / Le corbeau et le renard

 

 

 

Dan not'jeûne tan,
Dans notre jeune temps,
Y m'en récodrai bé lontan,
Je m'en souviendrai bien longtemps,
D'aveu le Jâque et peu l'Ugéne,
Avec le Jacques et puis l'Eugène,
Y faseîn lai futéne
Nous faisions l'école buissonnière
En coran dan lé bô;
En courant dans le bois;
Et çai no z'aimusô
Et ça nous amusait
Anco pu que l'écueüle;
Encore plus que l'école;
Po no, ç'aitô pu dreüle.
Pour nous, c'était plus drôle.
Ein jo que l'tan aitô biâ,
Un jour que le temps était beau,
Au dessu d'ein poreï sovaige,
Au dessus d'un poirier sauvage,
Y voion ben ein crâ
Nous voyions bien un corbeau
Qu'aivô dan son bec ein fremage.
Qui avait dans son bec un fromage.
Ein rena ben épri,
Un renard bien élevé,
Ma gorman d'maireüle,
Mais gourmand de Marolles,
Aidroiteman li di
Adroitement lui dit,
Quasiman cé paireüle:
Quasiment ces paroles:
Ma bonjo don, Môsieu du Corbiâ,
Bien le bonjour, Monsieur du Corbeau
Que vo z'éte jeuli, que vo me sanné biâ!
Que vous êtes joli, que vous me semblez beau!
San mante, si vot' raimeige
Sans mensonge, si votre ramage
Resanne ai vot' pieumaige,
Ressemble à votre plumage,
Vo z'éte le roi dé z'ouziâ
Vous êtes le roi des oiseaux,
Et j'vo salurô si j'aivô mon chaipiâ.
Et je vous saluerais si j'avais mon chapeau.
An m'ai di que vo chanteîn en muzicle
On m'a dit que vous chantiez en musique
Mieû que le reucigneü;
Mieux que le rossignol
Chanté me don quéque canticle,
Chantez-moi donc quelque cantique
Ca lai féete ojedeü.
C'est la fête aujourd'hui.
Lu, ne voi pa qu'an le gouaîlle,
Lui, il ne voit pas qu'on le raille,
Le preüve igneuçan;
Le pauvre sot;
Ma, po s'montray bonanfan,
Mais pour se montrer bon enfant
Et méritay le biâ nom de conouaille,
Et mériter le beau nom de Corneille
El écate le bec en répétant: Crâ, Crâ:
Il écarte le bec en répétant : Crâ, Crâ
V'lai son fremaige ai bâ!
Voilà son fromage en bas.
Y m'en doutô, di le compare,
Je m'en doutais, dit le compère
Ca fa bé mon aifâre;
Ca fait bien mon affaire
Ma toi, po l'aiveni,
Mais toi, pour l'avenir
Reteîn bé mon aivi:
Retiens bien mon avis:
Mon gaceneü, tu paré gade é louainge;
Mon garçon, tu prendras garde aux louanges
Quan quécun te diré:
Quand quelqu'un te dira
Vrai, tié jeuli qu'man ein ainge,
Vrai, tu es joli comme un ange
Ca ein mantou, tu le sairé.
C'est un menteur, tu le sauras.
L'ouzia fasô ben ontouse figure
L'oiseau faisait bien honteuse figure
Disan: J'airô mieû fai,
Disant: j'aurais mieux fait,
Pouzon, de n'pa t'écoutai.
Poison, de ne pas técouter.
Tu ne m'y reparé pu, je l'jure!
Tu ne m'y reprendras plus, je le jure!
Aic'teur y vo défie
A cette heure, je vous défie
D'éte pu renâray
D'être plus rusé
Qu'ein crâ que s'méfie;
Qu'un corbeau qui se méfie
Alé voî l'étraipay!
Allez voir l'attraper
Ai sanne qu'ai vo dise:
Il semble qu'il vous dise
Vo n'me voiré pa
Vous ne me verrez pas
Fâre anco lai moime béetise.
Faire encore la même bêtise
Aaâ... aa... aaâ.
ah........
Mefion no dé jan
Méfions-nous des gens
Que no fon treu de compliman.
Qui nous font trop de compliments.

 

 

Extrait de Contes, fables et légendes en idiome bourguignon du Dr H. Berthaut, par Jean-Luc Carmoi, Fontaine-lès-Dijon.

 

 

 

 

 


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