Le grilleü et peu lai fremi / Le grillon et puis la fourmi
Quan t'ai fa biâ tan,
Quand il fait bien beau temps Qu'vo coré teu po lé chan, Que vous courez tout par les champs Du lon dé biay vou bé dé soille, Le long des blés ou bien des seigles Si vo preuté l'airoille, Si vous prêtez l'oreille Vo z'antandé: Cri, cri, çâ le grilleü Vous entendez: Cri, Cri; c'est le grillon Que chante jor et neü. Qui chante jour et nuit Câ bé jeuli tan qu'çai dure, C'est bien joli tant que ça dure Ma quan veîn lai froodiûre, Mais quand vient la froidure Et qu'an n'é pu ran Et qu'on n'a plus rien Ai se boutay dezeu lé dan, A se placer sous les dents Cai n'a pa lai reumance Ce n'est pas la romance Que reimpi bé lai pance. Qui remplit la panse Not' grilleü s'en ai santi Notre grillon s'en est ressenti D'aivoi treu gringuay son cri, cri. D'avoir trop fait sonner son cri, cri Ai jun dô lai mait'née, A jeun dès la matinée Ai n'ai vô ran po sai dignée, Il n'avait rien pour son dîner Pa moime ein méchân gaülon Pas même une petite bouchée De var ou bé d'monçon. De ver ou bien de moucheron Ai s'en vay criay fameigne, Il s'en va crier famine Ché lai fremi sai coseigne, Chez la fourmi, sa cousine Li disan d'li preutay Lui disant de lui prêter Quéque cheuze po vivetay, Quelque chose pour vivoter Jeuque en étandan l'oirie Jusqu'en attendant l'héritage Que li reveîn d'ein pairan d'lai Brie; Qui lui revient d'un parent de la Brie Qu'ay serô bé requeuneçan Qu'il serait bien reconnaissant Por ein sarvice si gran. Pour un service si grand . Lai fremi n'a pa preutouze, La fourmi n'est pas prêteuse, Anco bé moin baillouze. Encore bien moins donneuse; An sai bé qu'el ne bride pa On sait qu'elle n'attache pas Sé chein d'aiveu dé sarvela. Ses chiens avec des saucisses. Qu'â qu'vô don qui vo baille? Qu'est-ce que vous voulez donc que je vous donne? Qu'el l'y répon. U n'ay ni sou ni maille. Qu'elle lui répond. Je n'ai ni sou ni maille. Ma, quâqu' vi faseîn don Mais qu'est-ce-que vous faisiez donc Du tan d'lai moisson? Du temps de la moisson? Y passô mé jonée Je passais mes journées Ai chantay l'maintin et peu dan lai soirée. A chanter le matin et puis dans la soirée. Vo chanteîn? Cai m'fa piaizi: Vous chantiez? Ca me fait plaisir. Ai c't'eur, dansé, vo z'en é le loizi. A cette heure, dansez, vous en avez le loisir. C'tu que vi dan lai pairaice, Celui qui vit dans la paresse, Et qu'ne prévoi ran, Et qui ne prévoit rien, Qu'el éprôte sai bezaice, Qu'il prépare sa besace, El a bé vite ein indijan. Il est bien vite un indigent.
Extrait de Contes, fables et légendes en idiome bourguignon du Dr H. Berthaut, par Jean-Luc Carmoi, Fontaine-lès-Dijon.
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