Laijande de Sainte-Catrine
Ein biâ jo Dieu le peire, Un beau jour Dieu le père, Aipré so déjeunay, Après son déjeuner, Cheulô du bon cafay, Buvait du bon café, Brâman ben esseutai, Tranquillement bien assis Dan eine bone cheire Dans un bon fauteuil Qu'an épeule ein Voteïre... Qu'on appelle un Voltaire... Drelin, drelin, la p'tite campène Drelin, drelin, la petite cloche D'lai pote du Pairaidi De la porte du paradis Teu por ein queü sène; Tout par un coup sonne; Et l'Bondieu se dy: Et le Bon dieu se dit: Câ ma fi ben étrainje C'est ma fois bien étrange Qu'lé jan me dérainje Que les gens me dérangent Ai l'eure que vecy; A l'heure que voici; Que le Saintespri m'padone, Que le Saint-Esprit me pardonne Y n'y sé po parsone, Je n'y suis pour personne, Dan c'moman suteü, En ce moment surtout, Bé qui sô teu po teü. Bien que je sois tout partout. Drelin, drelin, çai requeumance, Drelin, drelin, ça recommence, Po me fare endaivay, Pour me faire enrager, Si je n'étô parfay, Si je n'étais pas parfait, Y paidro paciance. Je perdrais patience. Piarre, voi don qui çâ, Pierre, va donc voir qui c'est, Antremi le juda. A travers le judas. Mon bon mâtre, ai me sanne Mon bon Maître, il me semble Qui voi, su lai pote, eine fanne. Que je vois, sur le pas de la porte, une femme Eine fanne! Une femme! J'y sé teujo, J'y suis toujours, Di l'y d'antray ché no. Dis-lui d'entrer chez nous. Saint Piarre émeune eine Mamzèle, Saint-Pierre amène une demoiselle, Soiche ostan qu'eine étèle, Sèche autant qu'une planche San z'aitor et san falbala, Sans atours et sans falbalas Eine feille de campagna Une fille de campagnard Aiveu dé z'ar de sacristine. Avec des airs de sacristain. Té, ma çâ vo, Catrine? Tiens, mais c'est vous, Catherine? Disé me don queman Dites-moi donc comment Vo z'é quitai vot' départeman? Vous avez quitté votre poste? Que Monseigneu me le padone! Que Monseigneur me le pardonne! Ai sai bé qui sé lai patrone Je sais bien que je suis la protectrice De l'igneuçan treupiâ De l'innocent troupeau Dé gaçeute d'en bâ. Des filles d'en bas. Lé fillète, tan qu'ai son vierge, Les fillettes, tant qu'elles sont vierges, Jeuqu'ai l'épruche de quinze an, Jusque vers l'âge de quinze ans Teu lé jo m'épote dé cierge, Tous les jours m'apportent des cierges Dé grô beuquay, dé biâ reuban, Des gros bouquets, de beaux rubans Po fieury mai chaipèle. Pour fleurir ma chapelle. Ma çai n' dure pa. Mais ça ne dure pas. Dô qu'el on sèze an, cé gonèle Dès qu'elles ont seize ans, ces effrontées Sante que lo z'apa Sentent que leurs appâts Lé pouce au mairiaije; Les poussent aux mariages Que çai serô demaije Que ça serait dommage D'aivoi son pucelaije D'avoir son pucelage Po n'en pa tiray d'agréman. Pour ne pas en tirer d'agréments. Vo voïez queman ai m'étraipe? Vous voyez comment elles me trompent? Cotante anco quan t'an m'échaipe Contente encore quand on m'échappe Po lai pote du Sacreman. Par la porte du Sacrement Y sé si dégueütée, Je suis si dégoûtée Qu'y sé bé décidée Que je suis bien décidée De pranre ai mon tor ein mairi De prendre à mon tour un mari Entre lé vieû gaçon du Pairaidi. Parmi les vieux garçons du paradis. Cousé vo, di l'Bondieu, ça po rire, Taisez-vous, dit le Bon Dieu, c'est pour rire Catrine, vo n'y pansé pa. Catherine, vous n'y pensez pas. Y n'y treuve pa z'ai redire, Je n'y trouve pas à redire Ma potan ça bé ta. Mais pourtant c'est bien tard. Y n' sé pa bé mâchurée, Je ne suis pas bien vieille Di lai Sainte, j'ai l'euïl bon, Dit la sainte, j'ai l'oeil bon, Mai queüsse n'a pa regrignée. Ma cuisse n'est pas ridée. Tené, regadé don. Tenez, regardez-donc! Merci, Catrine, y so d'en pâre; Merci, Catherine, je viens d'en prendre Maugray qu'lai cheüse seû râre, Bien que la chose soit rare Y vai fâre tamborinay Je vais faire tambouriner Que vo z'éte ai mairiay. Que vous êtes à marier. C'aitô se baillay treu de pone, C'était se donner trop de peine, Po n'pa potay lai couronne. Pour ne pas porter la couronne. El a bé magre, disô l'ein, Elle est bien maigre, disait l'un Aiveu çai pa le pu ch'ti butin. Avec ça, pas la plus petite dot. Quinze çan an, redisô l'aôtre, Quinze cent ans, redisait l'autre, Po m'éténay de patenaôtre, Pour m'ennuyer de prières San peuvoi dire: Divoçon; Sans pouvoir dire: Divorçons Et l'éternitay çâ bé lon! Et l'éternité, c'est bien long! De faiçon qu'lai preüve feille, Si bien que la pauvre fille Moime en quemançan po Baseille, Même en commençant par Basile N'ai jaima pu treuvay N'a jamais pu trouver Ein sain po l'épousay. Un saint pour l'épouser. Teute ambrunchée Toute chagrinée De se voi débeutée De se voir déboutée Et chipeutée ançin, Et chipotée ainsi, El pran sai couiffe é deu main Elle prend sa coiffe à deux mains Et lai champe po dessu lé meulin. Et la jette par dessus les moulins. Que lé z'ésarvelée Que les écervelées Si çâ lote piaizi, Si c'est leur plaisir En seîn teujo couiffée, En soient toujours coiffées Cai lé regade. Ai mon aivi, Ca les regarde. A mon avis, N'y toché pa, vo mé gaçeute, N'y touchez pas, vous mes filles, Laissé lai rémassay po lé pu peute. Laissez-la ramasser par les plus moches.
Extrait de Contes, fables et légendes en idiome bourguignon du Dr H. Berthaut, par Jean-Luc Carmoi, Fontaine-lès-Dijon.
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